Spots Guru Blog

Comment une simulation numérique a révolutionné ma pratique du soaring - Partie 1

Partie 1 - La compression et le Venturi

Points clés :

  • Une particule d'air suit le chemin de "moindre résistance".
  • La compression est la résultante verticale du vent sur un relief.
  • Le décollage est l'endroit où la vitesse du vent est la plus forte.

Lorsque j'ai commencé à apprendre le parapente, j'ai ressenti le besoin de comprendre ce qui se passait dans cet élément invisible qu'est l'air. Comment la masse d'air interagit-elle avec le relief ? Initialement, c'était par souci de sécurité, puis pour améliorer mes performances : comment rester en l'air plus longtemps et voler plus souvent.

De nombreuses questions me sont venues à l'esprit, et je n'avais que des réponses techniques partielles, vaguement validées par mon ressenti en vol :

  • Pourquoi je reste en l'air ?
  • Qu'est-ce que la compression ?
  • Pourquoi je ne monte plus à une certaine altitude ?
  • Où se placer pour rester en l'air plus longtemps dans des conditions légères ?
  • Que faire quand le vent monte ?
  • Qu'est-ce que les rotors ?
  • Pourquoi certains décollages sont plus faciles que d'autres ?
  • Quel est l'impact du relief sur le vent ?
  • Pourquoi décolle-t-on du bas d'une dune et non du haut ?
  • Quel est le meilleur endroit pour atterrir si je me fais reculer ?
  • Quelle est la relation entre la force du vent et l'altitude ?

Un jour, je suis tombé sur un logiciel de simulation, et ce fut une révélation. J'ai eu un véritable "déclic", et c'est ce que je souhaite partager avec vous.

Disclaimer : Ces conclusions n'engagent que moi. Je ne suis ni instructeur de parapente ni ingénieur en dynamique des fluides, juste un parapentiste curieux.


Découverte de Flowsquare

Ma recherche m'a mené vers un logiciel de simulation des dynamiques des fluides appelé Flowsquare. C'est un programme qui permet de simuler une soufflerie numérique en deux dimensions. Il est simple d'utilisation : vous créez une forme dans un fichier bitmap (par exemple avec Paint), vous configurez les paramètres aux bornes de l'environnement, et c'est parti. Vous avez alors un outil de simulation visuel des flux d'air.



Si l'on peut simuler un flux d'air autour d'une voiture, on peut également simuler l'interaction du vent avec une dune, une falaise ou une montagne. C'est parti !


Pour simplifier la lecture et éviter de vous surcharger d'informations techniques, je vais aller droit au but. Pour plus d'informations sur la simulation, vous pouvez vous référer au site : flowsquare.com.

« Ce n'est que rarement une technique mystérieuse qui nous mène au sommet, mais plutôt une maîtrise profonde de ce qui pourrait bien être un ensemble de compétences de base. »— Josh Waitzkin



Que se passe-t-il lorsque le vent rencontre un relief ?

Pour comprendre l'interaction d'une particule d'air avec un élément, j'ai créé un relief basique : une dune avec une pente d'environ 45°, un plateau et une cassure. Un profil typique de dune.



Les données de la simulation :

  • Vent de face : 6 m/s (soit 21,6 km/h).
  • Soufflerie : tunnel de 30 m de longueur sur 10 m de hauteur.
  • Dune : 2,5 m de hauteur et 8 m de longueur à sa base.


La soufflerie numérique calcule l'interaction entre chaque particule d'air, ce qui représenterait des milliards de particules. Pour accélérer et simplifier les calculs, nous utilisons une grille de calcul de 450 points par 200 points, soit 80 000 points (environ un point tous les 5 cm). Cette approche est similaire à celle utilisée pour les modèles de prévision météo.

Après quelques minutes de calcul, voici le résultat :



Observations

Visualisation des vitesses

Nous observons la vitesse (en m/s) des particules d'air lors de la rencontre avec le relief. En bleu, les vitesses les plus basses ; en rouge, les plus hautes.

Avant de rencontrer le relief, l'écoulement de l'air est laminaire. Lorsqu'il atteint la dune, l'air est dévié en suivant le "chemin de moindre résistance". Comme un ruisseau qui descend une vallée, l'air suit le parcours qui lui offre le moins de résistance.

Les flèches sur la simulation représentent la vitesse et la direction d'écoulement des particules.

Composantes de la vitesse

La particule se déplace sur deux axes :

  • u (m/s) : composante de la vitesse sur l'axe horizontal (vent de face).
  • v (m/s) : composante de la vitesse sur l'axe vertical.

Ce sera la seule équation de l'article. La vitesse totale est le résultat de ces deux composantes :

  • spd (m/s) : vitesse totale = √(u² + v²)

Retenez simplement que la vitesse est le résultat combiné des vitesses horizontale et verticale.


Effet Venturi

À la rencontre du relief, les particules d'air suivent la forme de la dune. Dans notre cas de pente douce, un effet Venturi se met en place.

Explication : Le volume d'air à l'entrée du tunnel doit être égal au volume d'air à la sortie. Pour maintenir ce débit constant malgré la réduction de section causée par la dune, la vitesse de l'air augmente.

Implication pour le parapente

La vitesse d'écoulement la plus rapide atteint 9,3 m/s (soit 33,4 km/h) au niveau du point le plus élevé du relief, bien supérieure au vent initial de 6 m/s. Cette vitesse est atteinte au point le plus haut du relief.

Première conclusion :

  • Suivant le relief, le vent au décollage est plus fort que le vent météo annoncé par les prévisions.
  • La vitesse la plus élevée est atteinte dans la zone de compression, l'endroit où le vent est le plus comprimé.
  • Une zone de décompression apparaît derrière le relief avec des comportements moins prédictifs et turbulents.

L'intérêt de la simulation est de pouvoir isoler les composantes de vitesse u et v. C'est à ce moment que le "déclic" est apparu.


Analyse des composantes verticales (v)

En isolant la composante verticale (v), on découvre la fameuse "zone de compression", qui représente l'intensité des vitesses verticales ascendantes.

Pour mieux visualiser, nous avons identifié trois zones :

  • Zone verte : v = 1 m/s
  • Zone orange : v = 2 m/s
  • Zone rouge : v = 2,5 m/s

Un parapente descend naturellement à environ 1 m/s. La vitesse verticale totale (V_tot) est la somme de la vitesse de descente du parapente et de la vitesse verticale de la masse d'air :

  • V_tot = V_parapente + V_masse d'air

Implication pour le parapente :

  • Zone rouge/orange/jaune : V_tot est positive (exemple : 2,5 m/s - 1 m/s = +1,5 m/s). Le parapentiste gagne de l'altitude.
  • Zone verte : V_tot est proche de zéro (1 m/s - 1 m/s = 0 m/s). Le parapentiste maintient son altitude ("zérote").
  • Zone bleue : V_tot est négative. Le parapentiste perd de l'altitude.

Cela répond à plusieurs de nos questions initiales :

  • Pourquoi je reste en l'air ?

Parce que la zone de compression crée une ascendance qui compense la descente naturelle du parapente.

  • Qu'est-ce que la compression ?

C'est l'augmentation de la composante verticale de la vitesse du vent due à la rencontre avec le relief.

  • Pourquoi j'arrête de monter à un moment ?

Parce qu'en s'éloignant du relief, la composante verticale diminue et ne compense plus la descente naturelle.

Analyse des composantes horizontales (u)

Examinons maintenant la composante horizontale de la vitesse du vent.

Zones identifiées :

  • Zone 1 : u = 7 m/s
  • Zone 2 : u = 8 m/s
  • Zone 3 : u = 9 m/s

Supposons que notre parapente ait une vitesse horizontale propre de 8 m/s (environ 29 km/h).

La vitesse sol du parapente est la différence entre sa vitesse propre et la vitesse du vent :

  • Vitesse sol = V_parapente - u

Implication pour le parapente :

  • Zone 1 (u = 7 m/s) : Vitesse sol = 8 m/s - 7 m/s = +1 m/s. Le parapente avance par rapport au sol.
  • Zone 2 (u = 8 m/s) : Vitesse sol = 8 m/s - 8 m/s = 0 m/s. Le parapente fait du surplace.
  • Zone 3 (u = 9 m/s) : Vitesse sol = 8 m/s - 9 m/s = -1 m/s. Le parapente recule.

Cela répond à d'autres questions :

  • Que faire quand le vent monte ?

Les zones de répartitions des vitesse nous montrent qu'il faut éviter la zone de compression sous peine de ne pas pouvoir en ressortir. Il faut alors envisager de se poser en amont du relief ou de se déplacer vers une zone où le vent est moins fort.

  • Pourquoi décolle-t-on du bas d'une dune et non du haut ?.

Si on décolle du haut d'une dune, on est à l'endroit ou le vent est le plus fort avec très peu de portance et une zone turbulente en aval.

Si on décolle du bas d'une dune, le vent est progressif et on atteint la zone de portance facilement, avec une porte de sécurité en amont de la compression si besoin.

La simulation avec Flowsquare offre une visualisation précieuse de l'interaction entre le vent et le relief. En jouant avec les formes et les paramètres, j'ai répondu à tellement de questions que j'ai séparé le sujet en plusieurs parties. j'espère que ce premier article vous a aidé à améliorer votre compréhension de la compression et de l'effet venturi.

Nous verrons dans les autres parties :

Partie 2 - Exemple concret, le site du roselier

Partie 3- Voler dans le vent faible

Partie 4 - Voler dans le vent fort

Partie 5 - Dangers: Impact du relief (obstacles et rotors)

Ressources supplémentaires :


Si vous avez des questions, posez-les sur le groupe FB

https://www.facebook.com/groups/1766258457145440